L’allaitement, partie 4/5 : Les clés de la réussite

Suite de l’article sur l’allaitement en 5 parties.


Fort heureusement, réussir un allaitement ne tient pas du tout de l’exploit, j’espère vous donner ici quelques pistes.

Être entourée et informée

Le meilleur moyen d’être en confiance est d’être bien entourée et bien informée.

À ce titre, le partenaire et la famille sont importants et il faut essayer d’avoir leur soutien. Mais si cela est impossible, il est tout aussi essentiel d’être en paix avec vos choix et de les affirmer. Si vous croyez en votre décision, il sera plus facile de tenir votre voie, et même de vous assurer la coopération de vos proches, voire de les faire changer d’avis…
Vous pourrez même leur apprendre des choses, tant les préjugés sur l’allaitement sont nombreux.

L’aide extérieure a aussi un grand rôle à jouer, que ce soit à travers l’accompagnement par des professionnels formés (ie. consultante en lactation) ou des associations spécialisées (cf. liste non-exhaustive ci-dessous), ou avec l’aide d’espaces d’échange en ligne (Facebook, forums).
Il existe aussi de nombreuses associations locales avec souvent des numéros d’appel, n’hésitez pas à chercher autour de vous !

Une petite liste non-exhaustive :

Enfin, les maternités devraient aussi être une bonne source d’aide mais elles ne sont pas toutes en mesure de l’apporter, soit par manque de formation ou par manque de moyens, soit parce qu’elles perpétuent des pratiques qui compliquent la mise en place de l’allaitement (séparation de la mère et du nouveau-né, utilisation de pouponnières, complémentation de l’alimentation par des préparations pour nourrissons).
Cependant, il existe aujourd’hui plus de 20 000 établissements « amis des bébés » dans 152 pays, grâce à une initiative commune de l’OMS et de l’UNICEF : il est donc a priori possible de trouver un environnement favorable… mais pas si facile en France où, en décembre 2015, seuls 26 services sont labellisés (sur 535 maternités) : ils réalisent environ 40.000 naissances par an, soit 5 % des naissances (823000 en 2011).

La Leche League France

Présidée par Flore Marquis-Diers, La Leche League France est une association d'information et de soutien au service des mères qui allaitent. Créée en 1979, elle compte 187 antennes locales et près de 400 animatrices.
Elle est affiliée à La Leche League International, une ONG membre consultant de l'UNICEF, qui travaille avec l'Organisation mondiale de la Santé, et qui est présente dans plus de 70 pays.

Le groupe Facebook, les animatrices et les réunions gratuites représentent des opportunités inestimables d’être aidée, rassurée, écoutée.
Cette association à but non lucratif a besoin d’être soutenue elle aussi, n’hésitez pas à leur faire un don ou même à adhérer !

Repères pour bien débuter

Voici enfin quelques informations utiles à savoir pour bien débuter son allaitement.

L’estomac d’un nouveau-né est ridiculement petit : de la taille d’une cerise (5-7ml) le premier jour à celle d’un abricot (45-60ml) au bout d’une semaine.
Pas étonnant alors que les quelques millilitres de colostrum produits par vos seins les premiers jours soient largement suffisant à sustenter votre bébé en attendant votre montée de lait.
D’autant que le colostrum est, de par sa composition, de l’or liquide.
Pour référence, voici une image comparative des tailles d’estomac d’un bébé :

Tailles d’estomac d’un nouveau-né

Vous pouvez même assurer le coup en exprimant manuellement le colostrum sur les dernières semaines de votre grossesse et en le congelant, vous pourrez ainsi le donner (pipette, seringue, cuiller, DAL…) plutôt qu’un complément de préparation artificielle.

À ce propos, il est important de parler des protocoles que les maternités ont mis en place à propos de la perte de poids : elles essayent de la limiter à 10% du poids de naissance à J+3. C’est très honorable, mais c’est très arbitraire.
Déjà, un bébé n’est pas un portable, il ne va pas s’éteindre à 11% vs 9% de perte, il faut prendre en compte le tableau général : son teint, sa tonicité, son hydratation, ses signes vitaux, le nombre de couches mouillées/souillées.
Cf. le tableau suivant :

Repères d’une bonne nutrition les premiers jours

Ensuite, un nouveau-né passe d’un milieu entièrement aquatique à un milieu aérien, il va mécaniquement forcément perdre du poids en « séchant ». C’est normal et non pas inquiétant.
Si bébé est mis au sein très régulièrement, il prendra du colostrum, assurant ses besoins primaires tant en matière d’hydratation que d’alimentation… Cela permettra aussi une montée de lait rapide et abondante, ce qui assurera de le nourrir adéquatement les jours suivants. Il suffit donc souvent d’être confiant et de maintenir votre position auprès du personnel.
Il est rare que les bébés soient réellement en danger et leur donner des compléments de préparation artificielle ne ferait que compromettre votre allaitement.
Dans le cas où vous subiriez des pressions, demander à tirer votre colostrum puis votre lait et à utiliser un DAL pour le donner, ce qui vous permettra de stimuler vos seins et d’accélérer la survenue de votre montée complète, tout en nourrissant bébé et en lui apprenant à être patient et efficace au sein. Sauf cas de danger important avéré (je ne parle donc ici que de bébés en bonne santé, nés à terme, de poids correct, etc.), l’équipe soignante ne doit pas (et ne peut pas) vous imposer ses choix en matière d’alimentation de votre bébé.
N’oubliez pas que vous pouvez exprimer votre colostrum manuellement avant même que bébé ne soit là, pour faire du stock !

Ensuite, pour éviter le bébé qui hurle au sein parce qu’il a faim et que « ça tarde à venir », et cela vaut pour les premiers jours comme pour les semaines suivantes, il existe une astuce toute bête : surveiller les signes d’éveil et donner le sein dès leur apparition plutôt que d’attendre qu’il pleure.
Quand bébé sera plus grand, vous pourrez donner « à la demande », mais au début il est plus sûr d’anticiper la demande et de donner à l’éveil, avant même que bébé ne réalise pleinement qu’il a faim.
Voici un schéma pour vous aider à repérer ces signes d’éveil :

Signes d’éveil du nourrisson, LLL

Heureusement, il existe plusieurs positions possibles pour allaiter, et même une infinité si on prend en compte l’unicité de chaque couple mère-enfant.
La position classique de « la Madone » ne peut pas convenir à tout le monde, et il ne faut surtout pas hésiter à en essayer d’autres, comme le « ballon de rugby », le « Biological Nurturing », allongés face à face…
De chouettes vidéos dans cet article.

Quand on ne l’a jamais fait, il est difficile de savoir si bébé tète bien (ce qui diminue les risques de douleurs).
Il y a déjà la prise de sein en elle-même : bouche bien ouverte qui ne prends pas que le téton du bout des lèvres, lèvres retroussées, tête légèrement penchée en arrière, langue bien sortie et englobant le téton par en-dessous, voilà à quoi cela devrait ressembler :

Schéma d’une bonne prise de sein, Centre Hospitalier d’Arpajon - Maternité

Côté action, vous devriez voir des mouvements amples de la mâchoire, qui impliquent aussi les oreilles, et entendre un bruit de déglutition très mignon et très distinctif (un petit « couic »). Ces vidéos devraient vous aider.

Pour vous aider à vous y retrouver, voici le déroulement classique d’une tétée d’un point de vue production de lait. Les déglutitions suivent les réflexes d’éjection et seront plus ou moins rapides sur plusieurs phases :

Ce qui se passe pendant la tétée, LLL

La connaissance des rythmes physiologiques du bébé allaité permet de garder une certaine sérénité dans votre allaitement.
Par exemple, la durée des tétées est totalement variable : de dizaines de minutes au tout début quand bébé apprend à quelques minutes quand bébé a grandit et qu’il est plus efficace, il faut aussi faire la différence entre les tétées nutritives et les affectives. Il arrive ainsi que bébé passe du temps au sein mais qu’il aie rapidement fini de boire : le reste du temps est un câlin et il serait bien déplacé de s’en plaindre, le temps où il refusera les bisous sera là bien assez vite… ;)
Il ne faut donc pas minuter les tétées (la seule indication serai pour confirmer qu’on est dans un cas où la croissance pondérale est faible malgré un temps dingue passé au sein, ce qui serai symptomatique d’une mauvaise prise de sein) ni les interrompre.

De même, la fréquence des tétées en elle-même est quelque chose de tout à fait modulaire. Il arrive que les bébés soient réglés sur une tétée toutes les 3h « comme dans les manuels d’antan », mais la plupart du temps cela varie d’un bébé à l’autre, et même pour un bébé donné d’un jour à l’autre. C’est toute l’essence de l’allaitement « à la demande ».
Il existe en revanche des phénomènes notoires, comme les tétées « en grappe » en fin de journée (généralement entre 18h et 23h) où l’enfant va vouloir téter de nombreuses fois mais pas forcément longtemps. On constate aussi que les tétées sont globalement plus fréquentes entre 14h et 2h du matin qu’entre 2h du matin et 14h.

Et surtout, il est un phénomène de variation de fréquence qui perturbe et inquiète les mamans qui n’y sont pas préparées : les périodes de pointe, autrefois appelées « pic de croissance ».
Elles arrivent généralement autour des 3/6/9/12 jours/semaines/mois et correspondent généralement à un épisode de développement spécifique à l’enfant : poussée dentaire, acquisition de la marche, épisode de maladie infantile, ou encore lors d’un événement familial : vacances, déménagement ou autre.
Pendant ces périodes, qui ne durent généralement que quelques jours et qui sont d’autant plus courtes qu’on y réponds adéquatement, le bébé va demander à téter beaucoup plus souvent, parfois toutes les heures, va sembler ne jamais être satisfait/repu et la maman aura l’impression d’avoir les seins « vides ». Ceux-ci produisant en temps réel en plus de ce qu’ils produisent et stockent entre les tétées, ils ne peuvent jamais être complètement vidés. En revanche, leur sur-stimulation par bébé permet une « montée en puissance » de la production qui va rapidement s’adapter, puis se réguler quand le nourrisson repartira sur un rythme plus habituel.
Il n’y a rien à faire de particulier à part répondre à la demande de bébé :) Il faut donc parfois aménager son temps pendant les 2-3-4 jours que cela peu durer pour s’assurer une plus grande disponibilité et de ne pas trop fatiguer. La vaisselle attendra, ou votre chéri n’a qu’à la faire !

Pas de crainte d’indigestion pendant ces périodes, car si le lait maternel est si digestible (assimilé en 20-30 minutes, contre facilement une heure pour les préparations artificielles), c’est grâce aux lipases qu’il contient, qui le pré-digèrent avant même qu’il n’arrive dans son ventre. Mais si vous avez des lipases un peu trop actives, votre lait se pré-digèrera un peu trop vite : il prendra alors une odeur et un goût peu agréables, un peu savonneux ou rance, mais totalement inoffensifs pour la santé.
Si votre bébé fait partie de ceux qui s’en accommodent sans broncher, rien à faire. Dans le cas contraire, il suffit de faire chauffer votre lait à 60°C quelques secondes (merci la sonde de cuisson) avant de le réfrigérer ou de le congeler. Cela stoppera l’action des lipases et vous permettra de le stocker l’esprit tranquille sans pour autant lui faire perdre ses propriétés.
Si vous aviez quelques pots ou sachets stockés avant d’entendre parler de ce phénomène, que vous découvrez leur odeur en les ouvrant et que bébé n’en veut pas pour les manger, pas de panique, ne les jetez pas !! Vous pourrez tout à fait vous en servir autrement : dans l’eau du bain pour une peau toute douce, en compresse pour soulager un popotin irrité ou pour traiter les croûtes de lait, etc. Je vous renvoie au paragraphe sur les propriétés extraordinaires du lait maternel en début de cet article.

Il faut aussi savoir que la quantité de lait que vous tirez n’est absolument pas indicative de ce que peut boire bébé. Elle dépend de nombreux facteurs, y compris votre degré de stress et le choix du tire-lait et de la taille des téterelles. Le bébé qui tète correctement peut obtenir bien plus de lait que sa mère ne peut en exprimer. L’expression du lait peut seulement vous aider à savoir quelle quantité de lait vous pouvez exprimer ;)

Concernant la durée de conservation du lait maternel, les recommandations varient d’un pays à l’autre (et d’une autorité à l’autre) mais il se conserve plus longtemps que les autres laits car il a moins tendance à s’abimer. Des règles complètes sont disponibles sur le site de LLL, mais voici les principaux chiffres (médians) à retenir :
- 6-8 heures à température ambiante (max. 25°C) ;
- 6 jours au frigo (max. 4°C) ;
- 6-12 mois au congélateur.

Les courbes de croissance staturale et pondérale des bébés allaités sont différentes de celles des bébés nourris à la préparation artificielle, qui sont les courbes que l’on retrouve dans les carnets de santé français.
On peut télécharger ces courbes spécifiques sur le site de l’OMS.
Le plus important à retenir cependant est qu’une « bonne » courbe de croissance n’est pas celle d’un bébé se situant en haut ou en bas des courbes du graphique mais une qui reste dans son « couloir » et ne présente pas de cassure dans sa progression. Et plus significatifs encore que les courbes, il y a les tableaux de vélocité, dont l’interprétation est expliquée dans l’excellent livre « Mon enfant ne mange pas » du Dr Carlos Gonzales (cf. plus bas).
Enfin, inutile de surveiller le poids toutes les semaines passés les 2 premiers mois (max), cela ne sera pas nécessairement significatif : certaines semaines seront très prolifiques et d’autres moins mais peut-être que ces semaines là le bébé aura grandi, ou acquis une compétence particulière (se retourner par exemple). Son état général, son éveil, ses couches, sont les premiers signes à surveiller.

Pour finir, un jour viendra où bébé devra manger autre chose que du lait, on appelle ça la diversification. Cela fera l’objet d’un article dédié.


En route vers la partie 5/5 de l’article !

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